15 Novembre 2013 - La neige se faisait de plus en plus épaisse et le bus peinait à avancer sur la route. Le ciel devenait de plus en plus sombre, comme s'il menaçait de délivrer quelque chose d'horrible. Le chauffeur commençait à s'inquiéter: ils auraient déjà du être arrivés à destination depuis bientôt une heure. Mais le chef de voyage avait du mal à se situer sur la carte et ils roulaient à l'aveuglette. « A droite ! Tourne à droite là ! Normalement, on va retrouver une route pour rejoindre la route principale avant de tourner vers une ville. » Le chauffeur haussa les sourcils mais l'autre ne s'en aperçut pas avec la pénombre. Le bus partit sur la droite et s'enfonça dans une toute petite route. Malgré le fait que rien ne présageait de bon, il continua à avancer. La neige empêchait une avancée rapide, et le véhicule évoluait donc très lentement sous un nuage de blanc.

« Je crois que nous sommes perdus mon brave homme. » « Mais non, mais non ! » Les voyageurs commencèrent à s'agiter. Ce devait être un trajet tranquille. Ils remontaient de Chicago, traversant le Minnesota, le nord du Dakota et passant par le Montana avant de monter vers le Canada. Un voyage pour découvrir ce dernier et d'autres paysages alentours. En plus de cela, le guide avait choisi de faire un détour vers le Slave Lake pour le coucher du soleil, qui selon lui était une chose "à ne pas manquer". Mais un mauvais carrefour, une mauvaise route et ils se retrouvaient perdus dans une forêt recouverte de neige et dans le noir complet.

Le chauffeur ne distinguait même plus la route et avançait en croisant les doigts pour que rien ne leur arrive. Après une bonne demi-heure, le bus commença à ralentir, avant d'avoir des secousses et de s'immobiliser. « Et m*rde ! » Le chauffeur essaya de redémarrer. le moteur se fit entendre mais les roues restèrent immobilisées, complètement bloquées. « Qu'est-ce qui se passe ? » Le chauffeur soupira et se leva pour jeter un œil par la porte avant, vitrée. Malgré la buée sur la vitre, il distingua la source du problème. Il était impossible de sortir, et de toute manière ç'aurait été trop dangereux. Ils ne savaient pas ce qui pouvait rôder dans ce coin-là, et ça ne servirait de toute façon à rien de s’acharner cette nuit. Mieux valait attendre le levé du soleil. « Le voyage s'arrête ici pour aujourd'hui. » Il remonta deux marches et s'adressa aux voyageurs. La plupart était des touristes, d'autres des hommes ou des femmes d'affaires. Certains partaient rejoindre leur famille dans le nord, venant d'un peu partout et se rendant à Vancouver, Seattle ou Portland. C'était un autre moyen de transport que l'avion et le bus donnait l'occasion de découvrir du pays. Le chauffeur s’éclaircit la voix. « Mesdames, Messieurs. La route ne permet pas d'avancer pour l'instant. Nous allons donc rester ici cette nuit, pour récupérer et être en forme demain... et libérer le bus. »


16 Novembre 2013 -Pour la plupart, l'aube avait pointé le bout de son nez bien trop tôt. En effet, il avait commencé à faire jour à 5h du matin, alors que certains venaient tout juste de trouver le sommeil. Ceux qui, au contraire, étaient tombés de fatigue, avaient très mal dormi. Il faut dire que dormir dans un bus plein et malgré tout glacé n'était pas idéal.

L'inquiétude de la veille avait laissé place à la colère, mais surtout à la peur. Personne n'était en mesure de savoir où ils étaient exactement. Dans ce coin perdu de l'Alberta, il n'y avait pas de réseau. Impossible donc d'appeler du secours. Mais il fallait s'organiser. Un homme prit les choses en main, alors que le désespoir s'emparait du groupe et que le chauffeur tentait vainement de dégager son bus. Dès qu'il se leva, tous les regards convergèrent vers lui. Il émanait de lui un sentiment de sécurité totale, et sans savoir trop pourquoi, on sentait qu'on pouvait lui faire confiance. Cependant, lorsqu'il demanda s'il y avait des volontaires pour partir avec lui explorer les environs, on le prit d'abord pour un fou. Puis quelques uns levèrent timidement la main. Ils seraient donc six à partir. Ils tenteraient de trouver une aide quelconque dans les environs, une cabine téléphonique isolée ou un solitaire vivant dans les bois et prêt à les aider.

18 Novembre 2013 -Deux jours passèrent. Ceux qui étaient restés au bus s'inquiétaient de plus en plus. Certes, le petit groupe "d'éclaireurs" avait emporté quelques provisions et leurs affaires. Mais l'idée qu'ils soient perdus, ou partis sans eux, sauvés, flottait dans l'air comme un nuage d'orage menaçant. « On ne peut pas attendre ici les bras croisés que les autres reviennent ! Si ça se trouve ils sont morts de froids on ne sait où ! » Le chauffeur se tourna vers le chef de voyage. Il commençait sérieusement à lui taper sur les nerfs. C'était le genre d'homme égocentrique qui croyait savoir tout sur tout, mais qui avait le courage d'une petite souris. Mais pour une fois, il n'avait pas complètement tord. Dans peu de temps, il n'y aurait plus assez d'eau. Le chauffeur s'apprêtait à réagir lorsque les six voyageurs réapparurent devant le bus, en compagnie d'un homme avec une énorme barbe. « Hallelujah ! »

Lorsque le petit groupe eut raconté ce qu'ils leur étaient arrivés, ils présentèrent le nouveau venu. « Il y a un village pas très loin, si nous partons tout de suite nous y serons avant la tombée de la nuit. Ne prenez que ce qu'il y a de plus important, on s'occupera plus tard du reste... » Même si l'homme à la barbe était très imposant et limite effrayant, hommes, femmes et enfants prirent leurs affaires et sortirent affronter le froid et la neige. Le chauffeur abandonna son car à contre cœur. Il savait qu'il allait revenir le dégager mais il ne savait pas vraiment ce dans quoi ils s'embarquaient.

25 Novembre 2013 -Une semaine était passée depuis leur arrivée au village, et beaucoup de choses étaient arrivées. Même si l'idée de se retrouver avec d'autres personnes après trois jours perdus dans la forêt en plein hiver était réjouissante, les habitants de la petite ville n'étaient pas tous du même avis... Peu habitués à recevoir des étrangers dans leur coin reculé du monde, ils n'appréciaient pas que ces touristes s'installent. En effet, en voulant libérer le bus de la neige, les sauveteurs improvisés l'avaient envoyé dans le fossé et il était tombé sur le côté. La situation s'était donc sérieusement aggravée. Il n'y avait aucun moyen de partir d'ici. Le réseau était minable, les routes peu fréquentables, et aucun véhicule n'était capable de transporter 50 personnes ici. Les voyageurs devraient rester coincés dans ce petit coin de l'Alberta, et leur séjour risquait d'être fort en émotions. Car tout le monde ne souhaitait pas qu'ils restent plus longtemps...